Il y a 108 ans, sur le mont Moret..

Le matin du 8 septembre 1914, deux régiments d’infanterie (IR 29 et 69 de la 31. Infanterie Brigade, commandée par le général Wellmann) attaquent à l’est de la route de Brienne en direction du sud, appuyés par quatre batteries de 7,7 cm du Feld Artillerie Regiment 23.

Devant eux s’allonge la masse du mont Moret, quasiment dépourvue de défenseurs suite à un malentendu entre le corps colonial et le XIIe corps. Une fois dépassés la voie ferrée et le ruisseau de Courdemanges, l’IR 29 progresse de plus en plus difficilement. Les obus tombent et à sa droite, de l’autre côté de la grande route, les combats font rage pour Courdemanges. Il est rejoint vers 9h par les 1er et 3e bataillons de l’IR 69 (le 2e sera engagé plus tard) partis de Blacy.

C’est surtout l’IR 69 qui va attaquer le mont Moret. Il traverse les lignes de l’IR 29, avance par bonds jusqu’au pied de la hauteur et escalade les pentes nord, très raides mais à l’abri des tirs tendus de l’artillerie française. A 10h10, le général Wellmann, qui commande la brigade, reçoit de l’IR 69 le simple message suivant : « L’IR 69 a atteint la cote 153« . Il renvoie aussitôt la note avec ces mots :  » Félicitations ! Je rappelle l’ordre de la division de ne pas dépasser la cote 153. »

Après coup, Wellmann écrira : « J’ai d’abord vu l’IR 69 se rassembler en compagnies sur le versant nord de la hauteur, à l’opposé de l’ennemi, sur une surface verte, et j’en ai été satisfait. » (1)

Mais l’IR 69 ne va pas se contenter d’occuper les pentes raides du mont Moret : il va tenter de progresser sur le plateau, s’exposant ainsi aux coups de l’artillerie française, notamment des batteries de 75 du 34e RA en position sur la cote 158, entre Chatelraould et Blaise.

Soldats de l’Infanterie-Regiment 69 à l’exercice en 1915 (DR)

L’Oberleutnant Walterscheid commande une section de la 4e compagnie de l’IR 69. A trois reprises, ses hommes et lui vont quitter l’angle mort de la pente nord pour s’élancer sur le plateau. A chaque fois, après une progression de quelques dizaines de mètres quasiment à découvert, ils finissent cloués au sol crayeux et sont forcés de revenir à leur point de départ. A chaque fois, de nombreux camarades restent sur le plateau, morts ou blessés.

L’ordre de se replier arrive en fin d’après-midi : « Sur la pente de la cote 153, nous avons eu droit à une image terrible qu’il est difficile d’oublier. Des morts gisaient sur les hauteurs et les pentes. Les blessés avaient été rassemblés de tous les côtés. Le commandant du régiment s’arrêta à cheval au milieu de la mêlée et dut s’assurer qu’à droite et à gauche les lignes de tirailleurs reculaient. Les colonnes de munitions qui revenaient emportaient des blessés. En bas, la batterie avait été réduite au silence (2). Des artilleurs arrivèrent à cheval et récupérèrent quelques pièces. Nous ne comprenions pas pourquoi nous nous étions retirés des hauteurs. Nous n’étions pas vaincus. Beaucoup d’entre nous ont cru entendre les signaux de retraite de l’infanterie française. Il était clair pour nous que l’infanterie française n’était plus présente sur la hauteur elle-même. Les infirmiers ramenaient les blessés. Nous avons pu observer que beaucoup d’entre eux ont perdu la vie en revenant sous les shrapnels ennemis. Heureusement, tous les obus n’ont pas explosé. A droite et à gauche, les régiments avaient déjà reculé depuis longtemps lorsque l’obscurité est tombée. Il semblait donc complètement inutile et imprudent de rester seuls à la hauteur 153. Nous avons rassemblé de nombreux morts au pied de la colline et les avons recouverts de leurs manteaux. Nous prîmes congé d’eux et de la hauteur 153, que notre régiment avait si victorieusement conquise et conservée au prix de lourdes pertes. Nous formions une troupe d’une vingtaine d’hommes lorsque nous avons pris le chemin du retour vers l’inconnu, dans l’obscurité totale. Nous ne savions pas où. » (3)

Waltersheid et ses hommes rallieront leur régiment très diminué vers Glannes.

Tombes de soldats allemands sur le mont Moret (Le Miroir, 1915)

(1) : General Wellmann, Mit der Trierer Infanterie-Brigade im Bewegungskrieg August-September 1914.

(2) Une des quatre batteries du FAR 23 avait visiblement pris position en bas des pentes non loin du plateau et pris sous son feu les positions du 24e RIC, de la ferme du mont Moret jusqu’à la Marne. Les pertes ont été très lourdes également pour les artilleurs.

(3) Oberleutnant Waltersheid, Mit der 4. Kompagnie I.-R. 69 im Vormarsch.

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